TRANSFORMER LES HABITUDES DE PENSER LA FORMATION : Exemple du projet transnational RenovUp

Extrait de la publication à venir « L’EXPERIENCE COMME TRANSFORMATION : Pour une épistémologie de l’expérience » UNESCO et ICP (France) Auteurs : Florence Tardif-Bourgoin, Université Paris Nanterre, CREF et Jérôme Mbiatong, UPEC, LIRTES

Pour les participants au projet RenovUp, l’enjeu est de « renverser » les façons habituelles de penser la formation à travers des objectifs d’actions que sont l’exploitation formative de l’apprentissage en situation de travail et l’analyse des situations de travail pour améliorer les dispositifs de professionnalisation des chefs de chantiers et chefs d’équipes. Hypothèse a été faite par les deux chercheurs impliqués sur ce terrain que l’engagement des professionnels dans ce projet était susceptible de constituer une source d’apprentissages et d’innovations pour les contributeurs engagés (organismes partenaires du projet RenovUp, centres de formation et entreprises ayant participé aux réflexions et actions expérimentales). Attention a été portée aux moments de transformation dans le récit des vécus respectifs selon les différentes fonctions occupées par les personnes interviewées (direction, direction adjointe, direction d’études, formation, coordination, conception) dans les pays partenaires : en quoi l’engagement dans un projet pédagogique d’envergure internationale participe au développement professionnel de ses contributeurs ? L’étude du terrain met en évidence comment entrer dans l’expérience des autres peut être une étape personnelle de changement, illustrant ainsi la collaboration dans ce projet particulier. Huit entretiens ont été réalisés auprès des collaborateurs du projet RenovUp dont quatre en France et quatre à l’étranger (trois pilotes nationaux de projets et un chercheur spécialiste du développement de l’enseignement professionnel).

Le recueil des propos sur la perception des situations vécues par les contributeurs a été amené dans le guide d’entretien par des questions relatives aux points d’étonnements et de difficultés rencontrées. Ces difficultés permettent ensuite d’amener les répondants à décrire leur engagement personnel (leur vécu personnel d’engagement dans le cadre de leur implication) dans ce projet innovant.

Les contributeurs français sont unanimes sur le fait que la principale difficulté repose sur les différences de perception relatives aux enjeux pédagogiques du projet (dans son opérationnalisation) et notamment du point de vue des formateurs qui voient leurs pratiques bousculées. Dans ces propos, on retrouve les besoins des apprentis en termes de confrontation à des situations de formation et d’apprentissage qui se rapprochent au plus près du quotidien qui les attend.

Une Responsable pédagogique française note ainsi une difficulté pour les formateurs de saisir l’importance de partir des situations réelles pourtant essentielles aux apprentis : « La réalité dont ils ont besoin est de se raccrocher à des situations réelles et pas empiler des savoirs. » Cela touche également aux questions d’évaluation pour les nouveaux formateurs qui ont du mal à se détacher du format « test de connaissances. »

Cela implique d’accompagner les formateurs dans la nécessaire prise de conscience de rapprocher le jeune du monde du travail et des situations concrètes qui vont l’attendre dans son quotidien : « Ça ne peut pas être que du descendant, il faut que ça réponde à un besoin des entreprises. Il faut regarder, il faut écouter les besoins. Qu’est-ce que vous avez en face ? Comment on peut lui amener ? » (Formateur français). Il s’agit également pour le formateur d’engager une réflexion sur la question de l’individualisation des parcours : « Réfléchir à l’aménagement des parcours, c’est mon job. »

Cette difficulté relative à une réticence des formateurs à s’engager dans la démarche proposée est également évoquée par l’un des contributeurs étrangers, pour des raisons à la fois culturelles, structurelles et économiques. « Parfois, ils ne sont pas dans de vraies entreprises, mais ils apprennent les compétences pratiques également à l’école. Souvent, les écoles ne sont pas suffisamment équipées en outils, matériaux, machines et les compétences ne sont pas à jour. C’est pourquoi les écoles […] ont besoin d’argent pour améliorer les équipements, les outils, les machines, les matériaux. Nous en avons également discuté avec les enseignants et ils nous ont dit que cela n’avait pas de sens qu’ils aillent sur un vrai chantier de construction et observer l’utilisation d’outils très innovants parce que lorsque qu’ils reviendront à l’école, ils n’auront aucune occasion d’utiliser ce type d’outils. » (Chercheur étranger).

Outre cela, les contributeurs étrangers évoquent la difficulté à accéder au terrain (pour observer l’activité en train de se faire) ou à convaincre les professionnels du secteur à prendre du temps pour des entretiens au sujet de leur pratique. Dans une moindre mesure, les contributeurs étrangers ont évoqué des difficultés liées à la gestion du temps dans l’opérationnalisation du projet.

Bénéficiaires visés

BENEFICIAIRES VISES

Bénéficiaires visés

En concevant des parcours de professionnalisation bien profilés pour les chefs de chantier et les chefs d’équipe, le projet répondra, plus particulièrement, aux attentes des petites et moyennes entreprises de rénovation des bâtiments, car les besoins évoqués ci-dessus sont le moins satisfaits dans ces entreprises dans les pays du partenariat.

L’observation de ces activités en entreprise, conduite dans tous les pays du partenariat avec des méthodes et des grilles d’identification et d’analyse appropriées, permettra de préciser les capacités et les savoirs sur l’acquisition desquelles le dispositif de professionnalisation à concevoir devra être orienté. Pour identifier les profils des entrants, un dispositif de positionnement sera conçu au niveau transnational. Il sera ensuite adapté au contexte de chaque pays en termes d’architecture définitive, pilotage, financement, etc. Pour répondre aux attentes des publics-cibles, la formation à concevoir sera modulaire et individualisée. Elle aura lieu principalement en situations de travail (qui permettent d’activer concrètement les capacités et les savoirs, afin que ceux-ci deviennent des compétences).

Les centres de formation auront pour mission d’identifier ces compétences, de les affiner si nécessaire, de les évaluer et de les valider, en relation avec des organismes de reconnaissance formelle ou de certification. La formation envisagée pourra également comprendre des composantes transnationales (apprentissage à l’étranger en situation de travail, organisé dans le cadre des programmes européens pour la mobilité à des fins de formation, surtout dans le cadre des cycles de formation longs).

Résultats atteints

RESULTATS ATTEINTS

Résultats atteints

Le projet RenovUp vise la professionnalisation des chefs de chantier et des chefs d’équipe intervenant sur des chantiers de rénovation des bâtiments, en relation avec les besoins des entreprises. Il s’appuie de façon prioritaire sur l’exploitation formative de l’apprentissage en situations de travail (en entreprise). Cette forme d’apprentissage a été considérée, tout au long du projet, comme un pivot du processus de professionnalisation qui a conditionné toutes les autres composantes, telles que la formation en centre de formation et le e-learning.

Dans le même temps, ce projet a été une opportunité de revoir les relations avec l’entreprise en tant que lieu de production et de formation, ainsi que de construire des relations plus partenariales avec des tuteurs/maîtres d’apprentissage, des fédérations professionnelles et des organisations territoriales et de certification qui souhaitent donner un sens concret à la formation en situation d’activités professionnelles, tout en formalisant et en reconnaissant ses acquis. C’est donc en analysant et en exploitant en profondeur l’évolution des situations de travail que les partenaires ont pu améliorer la qualité et l’efficacité des dispositifs de professionnalisation des chefs de chantier et des chefs d’équipe concernés.

En effet, les partenaires ont fait le constat que les dispositifs de formation précédents ne prenaient que très partiellement en compte les spécificités des activités liées aux chantiers de rénovation des bâtiments. Les professionnels que nous avons consultés nous ont dit que les chefs de chantier et les chefs d’équipe avaient besoin, par exemple, de renforcer leurs capacités à comprendre et à réaliser des diagnostics de bâtiments à rénover, à mieux anticiper et planifier les interventions spécifiques à la rénovation du bâti ancien ou encore à communiquer et à convaincre plus efficacement, dans des situations complexes et inattendues, sur ces chantiers.

L’aspect modulaire du dispositif à construire au niveau transnational, avec des périodes d’apprentissage en milieu professionnel et ses applications immédiates en situations pratiques sur le lieu de travail, permet son adaptation aux contextes spécifiques de chaque pays partenaire. La façon dont les chefs de chantier et les chefs d’équipe doivent prendre en considération, dans leur activité professionnelle, la réalisation des objectifs environnementaux et climatiques sur les chantiers de rénovation des bâtiments, sera largement prise en compte dans la conception du dispositif de professionnalisation visé.

Il s’agit d’une problématique particulièrement complexe qui doit simultanément prendre en compte les normes environnementales actuelles dans la programmation des chantiers, telles qu’économies d’énergie et autres ressources, gestion des déchets ou organisation du recyclage sur le chantier et les contraintes spécifiques aux bâtiments anciens.

En parallèle avec la professionnalisation des chefs de chantier et des chefs d’équipe visés, les partenaires ont mis en place un dispositif de professionnalisation des formateurs, enseignants et tuteurs/maîtres d’apprentissage, principalement pour leur permettre de se perfectionner à l’analyse des activités et de l’apprentissage en situations de travail, à l’évaluation et à la reconnaissance des acquis de l’apprentissage. Ce dispositif a été aussi conçu pour reconnaître les compétences spécifiques de ce public, professionnalisé pour former des chefs de chantier et des chefs d’équipe pour la rénovation des bâtiments. Il s’agit d’un « Open Badge », également reconnu par des professionnels, afin de renforcer la légitimité des formateurs, enseignants et tuteurs concernés quand ils animeront les dispositifs de professionnalisation des chefs de chantier et des chefs d’équipe concernés.

Besoins identifiés

BENEFICIAIRES VISES

Besoins identifiés

Les parcours de développement professionnel des chefs de chantier et des chefs d’équipe devra prendre en compte de manière plus pertinente les particularités de leurs activités professionnelles, telles que :

  • Diagnostic des bâtiments à rénover (méthodes de construction, contraintes spécifiques, solidité des murs, complexité du travail d’étanchéité à planifier, présence éventuelle d’amiante ou de plomb, spécificité et solidité des matériaux de construction utilisés, nature et solidité des fondations et des toits, etc.) ;
  • Mise en œuvre des prescriptions légales, normatives, techniques et organisationnelles en termes de rénovation et performance énergétique, sécurité et santé sur chantier de rénovation des bâtiments, montage et démontage des échafaudages, respect des normes sismiques, bruit sur chantier, installations électriques et sanitaires, traitement des déchets, économies d’énergie, traitement des eaux usées, etc. ;
  • Communication et attitudes professionnelles dans des contextes complexes et dans des situations imprévues (mal maîtrisées, elles deviennent des facteurs de mal-être au travail pouvant déboucher sur des démissions, licenciements ou déqualifications) avec ses collaborateurs, sa hiérarchie, les architectes, les sous-traitants, les fournisseurs et les clients ;
  • Gestion des contraintes spécifiques liées à la coactivité sur un chantier de rénovation (regard critique sur la commande initiale, gestion des calendriers et des équipes multi-métiers, prise en compte des contraintes prévisibles et non prévisibles, ajustement permanent des moyens aux objectifs à atteindre dans des contextes complexes).

ESSENTIEL DU PROJET

ESSENTIEL DU PROJET

Essentiel du projet

RenovUp est un projet de 3 ans (2020-2023) co-financé par une subvention Erasmus+ d’un montant de 413 987€ pour les 5 partenaires du projet. Il s’est terminé fin août 2023.

RenovUp a permis l’évolution de la conception du perfectionnement professionnel des publics cibles, plus individualisé et davantage basé sur l’exploitation formative des situations de travail réelles des apprenants. Les partenaires ont identifié également les compétences à acquérir, ainsi que leur reconnaissance.

Le projet RenovUp découle d’un constat des professionnels du secteur de la construction : les dispositifs de formation actuels pour les chefs de chantiers et chefs d’équipe ne tiennent pas suffisamment compte des spécificités liées à la rénovation des bâtiments et ses différentes contraintes. Il existe un besoin réel, confirmé par les entreprises et fédérations professionnelles des pays partenaires, de les réorienter en termes d’objectifs, contenus et méthodes d’apprentissage, afin de permettre aux apprenants visés de renforcer leurs capacités à mieux appréhender la rénovation dans son ensemble, prévoir et planifier les interventions spécifiques afférentes, mieux communiquer et convaincre dans des situations complexes sur ces chantiers.

Pour atteindre cet objectif de professionnalisation des publics visés dans les pays du partenariat d’abord, au-delà ensuite, 5 partenaires issus de 5 pays se sont réunis pour concevoir ensemble un modèle de référentiel répondant aux évolutions de ces deux fonctions, déclinable en dispositifs nationaux, en accord avec les priorités, contextes et moyens spécifiques à chaque pays partenaire.

Ce projet a réuni des partenaires expérimentés, complémentaires dans les domaines de la conception et mise en œuvre de dispositifs de professionnalisation destinés aux cadres, techniciens et ouvriers du bâtiment : 3 réseaux nationaux et régionaux de formation professionnelle (initiale et continue) aux métiers de la construction en France (CCCA-BTP), en Italie (Formedil) et en Espagne (FLC Asturies), un organisme de recherche technologique et pédagogique reconnu en Pologne (réseau LUKASIEWICZ ITE) et en Grèce, une fédération professionnelle du secteur, également organisme de conseil (PEDMEDE).

Ce projet a répondu aux attentes des PME/PMI en termes d’évolution des compétences des publics cibles :

  • Renforcement réel et mesurable des partenariats éducatifs et professionnels noués localement, régionalement, nationalement et au niveau transnational ;
  • Meilleure intégration de la formation en situations de travail dans les projets de professionnalisation des individus, tissant des liens durables entre la formation en entreprise, en école professionnelle/centre de formation et e-learning ;
  • Intégration systématique des objectifs environnementaux et climatiques, ainsi que des normes de SST, en constante évolution, dans la gestion des chantiers et des équipes sur les chantiers concernés.

Ce projet répond aussi aux priorités suivantes du programme Erasmus+ :

  • Développer les partenariats visant à promouvoir la formation en situations de travail sous toutes ses formes ;
  • Meilleure connaissance des objectifs environnementaux et climatiques ;
  • Mise en place de possibilités pour le développement professionnel initial et continu des enseignants,
    formateurs et maîtres d’apprentissage/tuteurs dans les établissements de formation professionnelle.